Suaire, Estuaire stellaire
Notes dĠobservations avant composition
Il y a certes ce tant y voir dans lĠÏuvre de Cy Twombly, & sĠy trouve par-del cet estuaire , lĠexpression admirable dĠune beaut qui sĠy impose.
CĠest dĠabord sa peinture seule qui mĠaura impressionn avant que celle-ci ne mĠouvre lĠÏuvre entier mĠclairant de sa photographie et de sa sculpture. Telle peinture aujourdĠhui dont les boucles et les taches par la ponctuation du destin, de la disparition nat une apparition, sont aujourdĠhui livres ce mouvement dĠontogense jetant cette lumire finale dont nous avons le privilge de pouvoir poursuivre le cheminement interne mme cette surface projective non sans ce linceul constell de traces et de noms. Constellation plus que systme, du reste, dont les fibres qui sĠentre-tissent sont quant elles, sans fin au-del de ce point qui la, qui le rtrospective.
Temporellement, sa peinture touche cette focale vertigineuse du temps (le mouvement dĠun vortex sans doute) qui lĠouvre sur lĠanachronisme travers ce mlange et ses empreintes, ses signatures et cette scrtion lĠÏuvre qui instruit les surfaces de Twombly. Si je la perois anachronique cĠest partir aussi de ce jet, de cette possession quĠelle incarne dans cette impropre beaut. Elle inscrit lors mme quĠelle sĠinscrit dans un temps de ruines et dĠeffluves. Îuvre dpositaire ? il faut y voir et y entendre le dpts l o le pot, le plus souvent ouvert, exerce encore sa magie incantatoire : couleur des secrtions, traces et trac mais qui serait contre la toute puissance dĠun systme l encore rattach un rituel cod. Si magie pourrait sĠy lire en survivance ou lecture interprtative, elle ne sĠaccorde aucune croyance sinon celle du sujet seul qui y dpeint cette ligne, ce chant tiss de milles chos.
La magie (lĠAfrique rencontre dont ses dessins des annes cinquante portes une vive imprgnation , via un voyage avant de fonder son port dĠattache et dĠarrimage finale Rome, dans cet Empire du vestige et de la trace si lĠon veut), le code, il faut rappeler que les chiffre ou le chiffrage que lĠon peut voir dans son travail proviennent le plus certainement de son passage lors de son service militaire dans les services de cryptologie. Encore un lment qui abonde dans ce double rgime qui travaille son Ïuvre, elle crypte autant quĠelle dcrypte mais sans aucun systme au pralable : crypte. Voir un message crypter dvoile quelque chose tout en lĠenfonant dans une codification mais chez lui, impure donc, sans rsultat la clef car sans serrure, surface ouverte mais pas nĠimporte quoi et nĠimporte qui pour peu que lĠon puisse sĠy abandonner dans cette abondance mme dans cette conomie somme toute, minimale. Les chiffres parfois ont mme ts crits ou tracs lĠaveugle. Cy se plongeait dans une chambre obscure et traait main libre, pour tenter de rchapper ce systme transmis la belle-main et au contrle du regard sous lĠinfodation du code graphique. Gaucherie donc et maladresse transparentes. Et vu dĠicy, je ne peux mĠy abstraire. Non, rsolument, cet Ïuvre nĠest pas abstraite mais lyrique, baroque. Elle embrasse, elle sĠembrase, elle clame comme elle pleure, elle jouit comme elle se noie mlancoliquement. Elle ne cesse de sĠensouvenir. Elle vient et pointe dans son trembl, via cette belle et fine imprcision qui tente de traduire en condens ce seulement . QuĠil nĠy a quĠ voir en mme temps quĠil y a tout ce plus dans ce moins. Mais comment dire. Seulement cela et tout le reste, en reste ; tout ce reste. Une parure dans son fond sans laquelle rient ne vient clore. Un poids de lĠhistoire, sa monumentalit, comme son nom CY TWOMBLY (ce nom porte une signature tant visuelle quĠaudible, avec du ct dĠune rminiscence de cette Rome dĠalors par laquelle sĠimposait le transfert dĠune puissance orgiaque, incantatoire sans doute encore mme le ciselage prononc, ce cadre romain mme la capitale de son nom). Nom dĠempreinte o presque, nom faisant trace assurment. Aprs y presque son histoire prsent puisquĠaprs y avoir tant peint, sa mmoire sĠy est incarne grave au spulcre, jusque dans la clameur de ses ruines essentielles qui constellent une grande partie de son Ïuvre peinte., et sa lgret, presque diaphane, trace efface, mouvement de la gomme (o gnalogie l encore du ct du tronc) une hystrisation de vouloir en trans-crire quelque chose sous une dicte aveugle ? Eros et mmoire dans cette pulsion vive qui conduit la stase autrement plus mlancolique, celle que lĠon sait nĠtre plus du ct de la muse des passions tristes comme lĠon dit, lĠinspirante des tnbreux, celle sans ailes, dĠune sans-passion dont le peintre arrivait congdier la parenthse dans un combat au pinceau.
Ce qui sans relche me fascine dans sa peinture au-del de cette pellicule purement visible, cĠest sans doute cette qualit paradoxale qui la rendrait presquĠhumaine lĠendroit mme de son dpt via cette empreinte rsiduelle (que lĠon peut entendre comme ce rcit-duel :la trace et lĠemprunt venant de cy, ) narrative (lĠhistoire, lĠindice quĠelle relate et dont elle se fait lĠcho circonfrant son lieu, ce l). Îuvre porteuse. CĠest l deux lments en somme qui sĠinscrivent dans le champ de lĠhistoire dĠun sujet responsable. DĠun peintre qui rpond en effet ce qui lui fait face bien que plong mme des ruines lumineuses, moins obscures et parfois si lointaines du contemporain. Mais contrairement beaucoup dĠautres, Twombly savait ne pas se retenir face au pass en y rpondant, en sĠy rpandant surtout, quant au futur, disons quĠil semblait sĠtendre dans son travail par cette modalit du comment y reparcourir une antiquit qui remonte la surface. Mais de quelle manire ? sans doute par un long travail du dvoilement transitif puisquĠun futur sans son pass, ce devenir ancien de la main comme la fort justement indiqu Roland Barthes, nĠa pas de porte suffisante pour nous clairer et nous permettre de tenir encore debout. En ce l, je regarde et considre lĠÏuvre de Cy Twombly comme sĠinscrivant lĠintrieur dĠune tradition humaniste. Elle signe, elle enregistre, cela sĠentend mais peut aussi signifier si lĠon y porte cette adresse. Le philosophe (celui du moins dont la parole sĠaccompagnait de la toge) et le pote y sont convoqus avec la mme prsence bien que ce dernier sĠy trouva plus frquemment citer. Il a souvent t malencontreusement profr que sa peinture tentait de se placer comme du point de vue du geste de lĠenfant apprenant tracer pour dessiner et crire. Roland Barthes, notamment, a montr combien il sĠagit du contraire car lĠenfant essaie toujours de sĠappliquer le plus possible avec les moyens dont il dispose lĠaide de sa main tentant de sĠappliquer le plus possible dans lĠattente dĠune apprciation ou dĠun regard validant un progrs, une reconnaissance, l o Twombly anomalise, dlinarise en traant au mieux gauchement pour ouvrir le signe la matire : le trac, la courbe Ç impure È happe du ct dĠune tourbe sans doute plus loquente dĠune humanit exprime. Twombly aura signifi ce mouvement contraire o, partir dĠun impur se rvle de la puret mais toujours macule, par cette condition dĠy tre. Condition sine qua non de sa prsence. Cette faon de se dmettre dĠun canon, tel quĠon le trouve galement dans le travail lĠaveugle chez Simon Hanta par ce travail du pliage de la toile sans savoir ce quĠil en adviendra quant au dpliage de celle-ci plie alors macule de peinture, compte aussi beaucoup mes yeux. Cela vient rpondre cet impratif qui fut celui dĠune forme de dfaite assume pour recommencer et laisser remonter la surface du signe qui excde le cadre et la mesure. Cy Twombly parfois saisissait des btons pour viter ou chapper une forme dĠalination (cette contre-nature dnature) du graphe, rduisant ainsi la marge dĠun contrle manuel pour mieux sĠouvrir sur lĠinimitable. Lisons le peintre : C'est une chose enfantine que de peindre. Je veux dire avec la main. Je commence par utiliser une brosse, mais trs vite, je ne peux pas continuer parce que l'ide se fige, c'est trop long. Je suis oblig de revenir en arrire, et ce faisant, je perds l'ide en cours. Alors, j'utilise ma main ou ces btons de peinture qui se rvlent formidable l'usage. C'est instinctif, dans un certain genre de peinture... pas du tout comme si vous tiez en train de peindre un objet ou des choses prcises. C'est plutt comme de traverser le systme nerveux. C'est comme un systme nerveux. Ce n'est pas dcrit, c'est en train de se drouler. Le sentiment vient en mme temps que l'oeuvre. Je pars d'un sentiment, de quelque chose de doux, de rveur, de dur, d'aride, quelque chose de solitaire, quelque chose qui se termine, quelque chose qui commence. J'en fais l'exprience, et j'ai besoin d'tre dans cette action de continuer, d'avancer. Je ne sais comment dcrire cet tat... Pollock quand vous le voyiez travailler, pour moi, c'est l'un des plus grands peintres amricains, c'est trs lyrique. Gorky, qui tait trs passionn et pouvait prendre un dessin et le copier exactement sur la peinture. Mir aussi, pouvait traduire ses dessins en peintures. Il y a un certain manirisme chez eux, que je n'ai pas. Je ne pense pas la composition, ni la couleur, je cherche juste progresser. Cela ressemble plus faire une exprience qu' un tableau.
Sorte dĠexprience du flux sismographique au prise dans une galvanisation des lments et objets contract ou comme lĠcrit Simon Schama dans ce besoin suprme de traquer visuellement les tats dĠmes. Le rapport au temps qui sĠentretisse dans sa peinture via une relle profondeur de champ demeure ma connaissance sans pareil. On assiste tout autant la naissance dĠun geste, ce que celui-ci inscrit et crypte partir de son rfrent et au fur mesure, bien que laissant toujours libre le regard lĠemporter sur le signe, jusquĠ cette plonge ; ce mouvement dĠun chouage, dĠune perte, le plus souvent chavirant vers la droite qui, si je puis dire, par lĠinstance dĠune gravit twombe. Mais nĠest-ce pas l du reste, comme ce blanc laiteux originaire-funraire (un chant qui se boucle ou la boucle encore de lĠouroboros : en ma fin est mon commencement) , qui ne peut se concevoir sans cette double instance de lĠeros au thanatos ? Mouvement dĠun transport, de lĠclat jusquĠ sa couche funraire. Eclat dsinenciel qui partage en parallle cette direction avec le phnomne du sonore tel que lĠmission dĠun son ne cesse de sĠy dssiner dans ce mouvement dĠune closion chutant physiquement.
Mais au-del de cet tat ou clat de fait, ce qui parle davantage sans doute au compositeur dans certaines de ses toiles, se trouve du ct galement de ces signes chiffrs ; chiffres et traits dont on pourrait imaginer et y dcouvrir le plan quasi formel du dessin ou destin pressentit dĠune Ïuvre avenir. SĠil y a un sismographe du trait, il sĠy trouve tout autant une gologie des couches historiques dans laquelle et par laquelle, de lĠAntiquit vient sĠimmiscer dans une rfrence baroque par exemple : des bacchanales dionysiaques tisses dans un cho en rfrence la peinture de Nicolas Poussin. Ainsi, cĠest la profondeur du champ du temps qui peut sĠy dvoiler comme elle peut sĠy lire dans des strates en traces. Cela forme autant de prismes venant rsonner cette discipline que la musique sait galement condenser dans la danse de sa densification.
LĠÏuvre de Cy Twombly exerce sur moi une profonde fascination depuis de nombreuses annes par le beau quĠelle arrime son Ïuvre, sa surface tant bien de toile que pelliculaire. De la beaut contracte lĠendroit de ce qui trace un chavirement : coules (dripping), lĠaxialit de la dsinence. Autant de signes venant faire cho ce dclin, ce decay qui semblent sĠaccumuler et sĠimposer dans ce que nous constatons et traversons
JĠai
cette impression que sa peinture sĠimpose la vue ou conduit dĠune traite
celui qui nĠy serait pas captiv sur le champ de sa prsence. Son reste qui la
parcourt est prometteur : tracessentielles.
On peut certes apprendre lĠapprocher et sĠy plonger dans ce mouvement de
soi soi si lĠon en a du moins la porte. Celui qui la voit ne lĠoubliera
jamais. Îuvre est la fois mdiate, violente et fine, fragile et monumentale
comme je lĠai dit. Elle tient dans la dure et sĠimpose aux modes et courant,
elle est de notre temps. LĠÏuvre de Cy Twombly se contemple autant quĠelle se regarde
comme maillage. Beaut complexe faites de pur et
dĠimpur sans pouvoir les disjoindre lĠinstar dĠun fantasme ngoci dans une
extase amoureuse. Devant sa peinture si polyphonique mes yeux, je peux y rester
sur le seuil et me laisser absorber par sa magie, son ivresse bucolique du
jaillissement ou bien je peux commencer lĠinvestir par lĠnigme de cette
bourette de soie (une bourette est obtenue partir des dchets de soie (ou
soie schappe). A filer pur ou mlanger avec d'autres fibres pour obtenir
un fil tweed effets.) par laquelle elle procde par enchantement aussi et
toujours via cette divine & impure lgance qui la signe.
Franck C. Yeznikian
couter
"... blessed with a tuneful voice"